Mise en danger de la vie d'autrui et citoyens de seconde zone... Les conséquences de la casse des hôpitaux de proximité organisée par Bachelot : témoignages !

Publié le par Carland

Source : lemonde.fr

Les hôpitaux français dont les services de chirurgie opèrent moins de 1 500 personnes par an sont menacés de fermeture. Une information qui suscite une vive inquiétude chez les syndicats des métiers de la santé et dans les petites communes. Suite à notre appel à témoignages sur Le Monde.fr, de nombreux internautes vivant en zone rurale nous ont raconté leur expérience de soins, d'accouchements. Tous sans exception défendent les hôpitaux de proximité. Voici une sélection de leurs témoignages.

Ma mère, 90 ans, a été opérée il y a deux ans pour un cancer du colon à l'hôpital Saint-Morand, centre hospitalier public d'Altkirch (Haut-Rhin), qui réalise un peu moins de 1 500 opérations par an et qui est donc menacé de fermeture [il est nommé dans la liste publiée par Le Journal du Dimanche]. Depuis, elle continue à être suivie pour cette maladie par le service de chirurgie digestive. Elle a été parfaitement traitée et doit d'être encore en vie à cette opération.

Elle estime, et nous sommes ma sœur et moi du même avis, que le suivi est parfait, que les différents médecins qui l'ont traitée et qu'elle revoit une à deux fois par an ont toujours été attentifs : ils nous ont expliqué la situation et ont pris soin, malgré l'âge de ma mère et sa perte d'audition, de parler avec elle avec respect. Quant au personnel soignant, nous avons pu constater une plus grande disponibilité que dans les centres hospitaliers plus importants. La proximité a joué pour nous permettre de lui rendre visite et aussi pour que ses amies, d'un âge souvent élevé, puissent venir lui remonter le moral. Nous espérons vivement que cet hôpital sera maintenu.

Nous vivions sur l'île bretonne de Bréhat, proche du "continent", et attendions la naissance d'un enfant. Un mois avant la date prévue, cet enfant décida de venir découvrir notre monde, une nuit de fin d'hiver. Nous avons à peine eu le temps de rejoindre un bateau spécialement affrété, d'être accueillis à l'arrivée par de joyeux et très efficaces pompiers, que la petite et chaleureuse maternité de Paimpol nous ouvrait ses bras.

Une heure après, Hugo venait au monde. L'immense bonheur de cette naissance s'est vu amplifié par l'intense qualité des soins. Souvenirs de grande sérénité et disponibilité. Quelle joie de mettre au monde et de venir au monde dans ce cocon à la fois douillet, souriant et très sécurisé !

La maternité a fermé, je crois, en 2002 ou 2003. Nous ne vivons plus là-bas, et je me suis depuis interrogée sur les conditions de venue au monde des petits Bréhatins… et sur l'isolement – la séparation – des mamans, bébés et fratries durant la semaine qui s'écoule entre la naissance et le retour au domicile, quand la mer et 50 km de route les éloignent de la "grosse maternité". Merci infiniment, chère maternité de Paimpol, aujourd'hui disparue…

  • Des conditions géographiques particulières non prises en compte dans la décision de fermeture !, par M.

Résidant à Saint-Agrève, au nord de l'Ardèche, à 1 000 m d'altitude, nous avons vu fermer notre maternité ! Certes, elle n'était peut-être pas rentable, quoique... Mais pourtant pas moins risquée que d'autres, vu qu'elle n'accueillait déjà que les grossesses a priori non pathologiques. Désormais, nous devons rouler cinquante minutes pour accoucher l'été et parfois beaucoup plus l'hiver (facilement 1 h 30) lorsque la neige, le verglas et la burle (vent du Nord) se donnent rendez-vous, ce qui est fréquent à cette altitude.

Quels sont les risques à prendre la voiture pour une telle expédition ? Cela est-il pris en compte dans les statistiques ? Quels risques pris également pour le simple suivi de fin de grossesse et les préparations à l'accouchement ? Nous y avons beaucoup perdu également pour les possibilités d'accompagnement de la famille autour de la naissance. Finalement, la seule chose qui est positive, c'est la réapparition des accouchements à domicile… Mais peut être que tout le monde ne serait pas de mon avis !

Mes deux derniers garçons sont nés à l'hôpital de Valognes en 1997 et 1999. Puis la maternité a fermé. Pour ma fille née en 2002, la date d'accouchement a été déterminée par le planning de l'hôpital de Cherbourg, où tous les Manchois du Nord Cotentin doivent naître. En cas d'urgence, nous avons de la chance, c'est 25 km à faire en voiture (et il y a des naissances dans les ambulances des pompiers) mais comme c'est programmé, quel que soit votre état on vous provoque les contractions. Bientôt les plannings prévoiront d'évidence les dates de conception, un programme PERT [une technique de gestion de projet visant à ordonner plusieurs tâches différentes]… C'est beau la comptabilité…

  • Et le surcoût du transport sera à la charge de… ?, par Belle Campagne

  • Je vis dans un hameau, non loin de Montignac en Dordogne. L'un de mes trois services hospitaliers à "proximité", entre guillemets tant cette proximité est relative (29, 35 et 55 km), celui de Sarlat, est menacé de fermeture. Mon expérience me montre déjà ce que supporteront les assurés : récemment, trop malade pour pouvoir conduire ma voiture, j'ai dû consulter deux fois en ville dans les cabinets de spécialistes et de radiodiagnostic avant de pouvoir obtenir un traitement. J'avais une hyperthyroïdie, qui n'est pas une affection pour laquelle le transport est pris en charge (maternité, affectations de longue durée reconnues). N'étant pas non plus hospitalisée, je n'ai pas eu d'autre choix que de me déplacer en taxi, c'est-à-dire dépenser 60 € de ma poche par déplacement aller-retour, donc 120 € sans aucun remboursement dans le mois.
  • Eh oui : souvent on ne parle que du coût des traitements, hospitalisations et consultations, de moins en moins remboursés au fur et à mesure que les comptes de la Sécurité sociale se dégradent. Or, le coût réel supporté par le patient ne se résume pas à cela. Et encore, je ne parle pas de la perte de revenus occasionnée pour l'indépendante que je suis ; les périodes de maladie sont par définition des trous financiers, donc pas trop besoin de dépenses lourdes en plus du manque à gagner…

    J'ai 52 ans, mon ami 55. Nous sommes profondément partisans de la vie à la campagne. Mais aujourd'hui, nous nous posons des questions pour notre vie future. Les médecins généralistes quittent la campagne et ne sont pas remplacés. Les hôpitaux sont loin, et ferment… Peut-être allons nous finir par quitter cet endroit auquel nous sommes attachés, pour nous rapprocher d'une structure de soin...

  • Opération des varices à Châtellerault, par Jacqueline Genouel-Baron

Petite chirurgie mais beaucoup d'appréhension car j'avais été victime un jour d'une erreur d'anesthésie. Même si c'était il y a longtemps, l'angoisse était toujours là ! J'arrive dans le service, une infirmière vient m'embrasser. Cette jeune femme est née au village où je demeure. "Bonjour Mme B., je suis la fille de Marcel P. !" Ensuite, je suis prise en main par des jeunes femmes très gentilles, soucieuses de mon confort… En salle d'opération, l'infirmière anesthésiste est tout à mon écoute. Bien surveillée au réveil... Je suis très satisfaite pour mes opérations.

Tombé d'un escabeau, je me suis "éclaté" le coude droit. Habitant à 20 km d'un hôpital, j'ai souffert le martyre pendant le trajet dans l'ambulance des pompiers. Dans le "petit" hôpital où j'ai été opéré (six heures d'intervention), c'est un formidable chirurgien qui est intervenu, dans le cadre des urgences. Ce n'est donc pas la taille de l'hôpital, ni le nombre d'interventions (ce n'est pas tous les jours que l'on passe six heures sur un coude) qui est important. C'est bien la qualité du médecin ou du chirurgien.

  • Services de maternité et de chirurgie fermés il y deux ou trois ans à Ingwiller, par Daniel Scherrer

La commune d'Ingwiller dans le nord de l'Alsace a vu sa maternité toute neuve fermée il y quelques années parce qu'elle ne pratiquait pas assez d'accouchements. Le service chirurgical a également fermé la même année. Résultat : les services sont plus éloignés et les autres hôpitaux sont bien évidemment surchargés, notamment les urgences. Les patients du bourg et des alentours ont perdu en qualité de vie, ils sont obligés de prendre des taxis ou des ambulances avec des temps d'attente beaucoup plus long qu'avant. A l'heure du développement durable, c'est un non-sens de transporter ainsi les malades à travers nos campagnes pour rejoindre un grand pôle hospitalier (Haguenau, Saverne ou Strasbourg). C'est devenu un service public dégradé !

  • Certaines villes deviennent aussi des "déserts médicaux", par Florent Pervez

Habitant d'Alfortville, commune de 40 000 habitants dans la petite couronne parisienne, j'ai été le témoin impuissant, il y a quelques mois, de la fermeture du service de maternité de la clinique La Concorde. C'est vrai, les zones rurales sont durement touchées par les fermetures d'hôpitaux. Mais certaines zones de la région parisienne deviennent elles aussi de vrais "déserts médicaux". Il faut déjà attendre de nombreux jours pour avoir un simple rendez-vous chez un dentiste par exemple (une semaine pendant une rage de dent, je peux en témoigner). Et maintenant, les Alfortvillaises sont obligées d'aller accoucher à Créteil ou Paris, dans de véritables "usines à bébés" où l'objectif de l'administration, vu l'engorgement, se résume à libérer les lits au plus vite pour assurer le turn-over.

Pourquoi cette fermeture alors même que la clinique bénéficiait d'une réputation exceptionnelle en termes d'écoute, de calme, de suivie des grossesses… C'est le seuil fatidique des 500 naissances qui selon l'administration assure la "qualité du service". La sécurité serait en jeu, alors même que la clinique La Concorde n'accueillait que des parturientes ne présentant pas de risque particulier et qu'aucun incident notable n'a jamais été à déplorer ! A se demander si la grossesse n'est pas devenue une maladie. C'est en tout cas un bon prétexte pour faire passer la pilule comptable. Voila où nous en sommes rendus de la logique du profit. Appât du gain et déshumanisation du système de santé.

Publié dans Santé

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