Et pendant ce temps en Tunisie...

Publié le par Carland

Par CSP
On éprouve quelque peine à savoir ce qui se passe actuellement en Tunisie si on se contente des médias de masse usuels ; certes il en est un peu question, comme en passant, et puis il y a des morts et les morts ça attire toujours un peu les caméras. Mais quand on compare aux unes fracassantes et aux heures de débats acharnés lors des révoltes contre le pouvoir iranien en 2009, ça fait un peu maigre. Le mort iranien serait-il plus côté que le mort tunisien ? Ou exprimé différemment : le cadavre qui pisse le sang dans une rue de Téhéran, est-il plus sexy parce qu'il est mort à cause d'un pouvoir honni par l'Occident que le cadavre qui pisse tout autant le sang dans une rue de Tunis, mais qui lui a été tué par un grand ami de la France ?
Tout de même, ce deux poids deux mesures dans la considération des évènement interroge quelque peu. Mais cependant pas bien longtemps puisque si on veut un éclairage édifiant sur les pudeurs de jouvencelles qui saisissent journalistes et politiques français devant les émeutes du peuple tunisien, nul besoin de fouiller bien longtemps. Même pas en fouillant les recoins subversifs du Net ou en lisant un fanzine gauchiste maquetté à l'arrache, point du tout : c'est rien moins que le site officiel de l'Ambassade de France en Tunisie qui claironne fièrement : 
"La France est historiquement l’un des tout premiers investisseurs étrangers en Tunisie. Elle se place au 1er rang du point de vue du nombre d’entreprises établies en Tunisie et du nombre d’emplois créés. L’implantation de nouvelles entreprises se poursuit à un rythme élevé"
Ah, on commence donc d'apercevoir une piste...
"Un flux record d’investissements français a été enregistré en 2008, avec 504 millions de dinars au cours des 11 premiers mois de l’année, soit 280 millions d’euros environ (contre une moyenne de 90 millions d’euros les années précédentes).
Ce résultat s’explique notamment par le succès d’entreprises françaises dans le cadre des privatisations : 
 150 MDT à l’occasion de la privatisation de la BTK, avec l’acquisition par le Groupe Caisse d’épargne de la part du capital qui appartenait à la Tunisie ; 
 130 millions pour l’augmentation de capital de la STAR, 1er assureur tunisien, dont Groupama détient désormais 35% du capital.
(...) Après s’être concentrés dans le secteur du textile et de l’habillement, les investissements français se sont développés au cours des dernières années dans les industries mécaniques, électriques et électroniques, plus récemment encore dans la plasturgie et le secteur aéronautique qui bénéficiera prochainement de l’implantation d’Airbus.
Sur l’ensemble de la période 1997-2008, la France apparaît au 3ème rang (en valeur) des pays investisseurs en Tunisie".
Ah oui, on dirait que ça se confirme. Allez, une dernière louche : 

 

"La France est le premier pays par le nombre d’entreprises établies en Tunisie (environ 1200 dont les trois quarts sous le régime off shore) et par le nombre d’emplois directs induits (environ 106 000). En 2007, 91 entreprises françaises se sont établies en Tunisie.
Le secteur de l’industrie est dominé par les PME totalement exportatrices, notamment dans l’habillement où l’on note toutefois quelques grands noms (Lacoste-Devanlay, Rouleau-Guichard…). Dans la sous-traitance automobile, Valeo et Sagem sont présents. Quelques entreprises visent plutôt le marché tunisien (Danone, Sanofi-Aventis).
Dans les services, la présence française, traditionnellement limitée au tourisme (Fram, Accor, Club med) et aux établissements bancaires (BNP-Paribas, Société générale, Groupe Caisse d’épargne) s’est développée sur la période récente dans l’assurance (Groupama), les centres d’appels (Téléperformance) ou les SSI à vocation exportatrice. Dans la grande distribution, les enseignes Carrefour et Casino sont présentes avec des partenaires locaux majoritaires"
Pauvres morts tunisiens qui n'ont pas eu le bon goût de défunter dans un pays où les investisseurs occidentaux et particulièrement français n'étaient pas sur-représentés...
Mais quand même, qu'attend donc notre Président pour se dresser contre ces odieux évènement, lui qui est si prompt à s'émouvoir au moindre chien écrasé au fin fond de la Creuse, merde alors ? Lui qui n'a pas de mots assez durs pour le plus anodin kidnappeur de Carambars, ne doit-il point montrer l'exemple en tançant le régime tunisien du haut de l'exemplarité morale du pays des droits de l'homme ? Ou bien quoi ?
Bon, en même temps, il faudrait pour ça mettre deux-trois trucs gênants sous le tapis.
"Soigneusement préparée avec le concours de la FIPA, de la chambre franco-tunisienne du commerce et de l’industrie, et le Cercle Franco-Tunisien, cette rencontre a bénéficié de la présence de ministres de l’Industrie des deux pays, MM. Christian Estrosi et Afif Chelbi ainsi que de l’Ambassadeur de Tunisie M. Mohamed Raouf Najjar. A leurs côtés étaient également présents les présidents des deux Chambres de Commerce et d’Industrie, Pierre Simon et Fouad Lakhoua ainsi que leurs collaborateurs"

"Dans la salle, on reconnaît plusieurs personnalités. D’abord, parmi les acteurs significatifs de l’amitié et de la coopération franco-tunisiennes, MM. Serge Degallaix, ancien Ambassadeur à Tunis, Eric Hayet, M. Tunisie au Medef, Joseph Besnaïnou, Directeur général de l’ARPP, Christian De Boissieu, président du Conseil d’Analyse Economique et du Cercle Franco-Tunisien et Jean-François Limantour, Président du Cercle euro-méditerranéen des dirigeants du textile, de l’habillement et des industries de la mode (Cedith)"
Enfin bon, avec toute cette actualité déprimante, ça fait plaisir de voir autant de gens qui s'aiment.
"Ministre de l’Industrie (mais aussi Maire de Nice ce qui lui confère une sensibilité méditerranéenne supplémentaire et plus grande proximité riveraine avec la Tunisie), Christian Estrosi a réitéré l’engagement de la France à promouvoir davantage le partenariat bilatéral"
On regretterait presque de n'avoir pas été présents tant ça avait l'air d'être émouvant, allez. On ira toutefois par jusqu'à exprimer le soupçon que la Tunisie arrose généreusement un parti politique de droite : ce ne serait pas des manières. C'est juste qu'on comprend un peu mieux un certain silence de la part de gens d'habitude plus prompts que cela à s'enflammer : BHL et Finkielkraut n'ont-il donc eux aussi rien à dire sur cette révolte contre un pouvoir oppressif ? Mais on ne saurait non plus soupçonner nos deux brillants phares de la pensée d'être des lâches aux indignations à géométrie variable et qui sont publiés par des maisons d'édition détenues par des entreprises ayant des intérêts en Tunisie...
Ce qui se passe en Tunisie n'est pas seulement la saine révolte d'un peuple : c'est aussi le miroir de toutes les corruptions, économiques, politiques et intellectuelles qui pourrissent la France.

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